Spectacle magique… Transmission et exigence
Cet article, que j’ai écrit il y a quelques année pour la revue de la FFAP , m’a servi de base de réflexion pour définir ce que je voulais pour l’équipe de France de magie que je souhaitais développer lors de ma présidence de cette fédération. Pour moi sans l’acceptation de ce principe d’exigence, il n’y a pas de spectacle magique, ni de progrès possible.
Qu’est ce que je veux dire par « Devoir d’exigence » ?
Depuis quelques années, nous sommes amenés à constater, à la fois avec plaisir, mais aussi avec une certaine forme d’inquiétude, que notre art se démocratise très largement et que la pratique de la magie est devenue plus que jamais une distraction populaire. Si sa popularité est encourageante, elle possède aussi une face très négative et dangereuse.
Lorsqu’on pratique une discipline artistique, dans le cadre d’un conservatoire, d’une école, d’une structure, on reçoit en même temps que la technique une vision, un cadre. C’est valable pour la musique, pour le théâtre, même pour le cirque. Dans le cas de la magie, les choses sont un peu plus complexes.
En effet, l’apprentissage de la magie, est devenu très simple, voir trop simple. Il suffit soit d’avoir un bon ordinateur connecté à Internet, soit d’avoir un peu d’argent à consacrer et en quelques mois on peut se donner l’illusion d’être magicien et de pouvoir commercialiser un spectacle magique. On peut même désormais, présenter à une large communauté de spectateurs le résultat de son travail, une webcam, une inscription gratuite à YouTube, ou autre diffuseur de vidéo et le tour est joué. Certains se sont même risqués à devenir des « magiciens masqués » aux petits pieds en prétendant diffuser les secrets de la magie.
D’autres le font involontairement en présentant des routines mal maîtrisées et trop souvent mal comprises. Mais où est, dans tout cela, le devoir d’exigence que se doit d’avoir un artiste qui se respecte ?
Ce qui va suivre n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, il ne faut pas y voir une attaque ciblée, mais simplement une constatation. Je vais choisir celui hors de la discipline strictement magique, car il est très révélateur, mais il reste valable dans chaque spectacle magique.
Prenons les sculpteurs de ballons, il y a quelques années, alors que cette spécialité était rare et encore peu connue, il ne serait venu à l’idée de personne de se servir d’une pompe pour gonfler les ballons. Pour beaucoup d’artistes de l’époque, le fait, de savoir gonfler ces ballons particuliers était une part intégrante du numéro ‐ cela en était même la majeure partie les sujets réalisés étant souvent très simples. En effet, pour faire un numéro de ballons, il faut aller vite, avoir un rythme, avoir un scénario, une progression dans la dramaturgie du numéro.
Aujourd’hui, il est courant de voir certaines personnes se prétendant sculpteurs de ballons, ne pas posséder la technique de gonflage et justifier l’utilisation de la pompe par une multitude de prétextes ou de raisons plus ou moins tirées par les cheveux.
Ce que je dis ici, ce n’est pas qu’il faut bannir l’utilisation de la pompe, mais que si on se prétend sculpteur de ballons, on doit obligatoirement maîtriser toutes les techniques de son art. Même si ensuite pour le bien du numéro on choisit d’utiliser une pompe.
Le problème est que l’on ne veut pas prendre la peine d’apprendre. Gonfler un ballon modeling à la bouche est en effet difficile, mais ce n’est pas impossible, il suffit de se donner le temps et les moyens d’apprendre.
Pouvez-vous imaginer un trapéziste, refusant d’apprendre le saut périlleux sous prétexte que c’est difficile et pourtant prétendre être trapéziste ? Pouvez-vous imaginer, un jongleur se contentant de mimer les gestes du jonglage, car il est trop long d’apprendre à maîtriser les balles ?
On peut en effet utiliser une pompe (surtout à mon sens, lorsque l’on fait de la sculpture décorative). Mais le propos n’étant pas de parler de la sculpture sur ballon, je ne m’étendrai pas sur le sujet.
Le devoir d’exigence impose que l’on accepte la dictature du temps.
Devenir un vrai magicien, cela prend du temps. Vouloir brûler les étapes de l’apprentissage et de la maîtrise ne peut conduire qu’à des résultats médiocres.
C’est là où, malheureusement, les clubs de magie n’ont pas toujours tenu leur rôle.
J’ai trop souvent vu des séances où, sur scène ou autour de la table, on applaudissait à une passe mal faite ou à un numéro mal construit.
Je sais que c’est difficile de dire à quelqu’un « tu dois retravailler, ce n’est pas bon ! ». Mais à quoi sert un club si c’est pour pratiquer l’autocongratulation. On vient dans un club pour se perfectionner, pour se former, pour se tester. Si l’on arrive en voulant s’entendre dire que l’on est génial, c’est qu’il y a un problème et que l’on n’a rien compris.
Je dis cela aussi pour moi, car j’ai été et je suis toujours animateur de clubs et j’ai souvent mis ma langue dans ma poche, pour ne pas dire ce que je pensais.
Il m’est souvent arrivé de sortir de la salle pour un quelconque prétexte afin de ne pas être obligé d’applaudir à une intervention catastrophique.
Je pense que c’est une erreur et que cette erreur est responsable du niveau parfois très bas de la magie dans les associations où les clubs de magie et malheureusement dans l’offre artistique général du spectacle magique grand publique.
Il est donc de notre devoir, à nous les « anciens » qui avons eu la chance de bénéficier d’un enseignement de qualité, de transmettre cet esprit d’exigence, clairement et unanimement acceptée.
Si je dis discrètement lors d’une rencontre avec un jeune confrère, à la fin de sa démonstration que ce n’était pas bon, ce n’est pas lui en tant que personne que je mets en cause, mais son procédé, sa technique. Je ne vise en aucun cas l’homme, bien au contraire, mais J’interviens comme un metteur en scène de théâtre qui pousse le comédien à chercher en lui la meilleure solution, en aucun cas c’est l’artiste qui est en cause, mais le rôle.
On le voit sur les forums corporatifs, les magiciens ont souvent du mal à accepter la critique, ce n’est pas de la prétention, ou de la paranoïa, mais simplement un défaut de formation. On n’a jamais appris à un magicien à apprendre. On lui donne un mode d’emploi, une recette, il l’applique et ne peut pas comprendre que l’on mette en doute, la perfection de son geste. Un spectacle magique, n’est pas un spectacle comme les autres, il impose une forme de pouvoir, d’assurance et de certitude, cela n’encourage pas à l’humilité et à l’introspection chère aux comédiens. C’est pourtant vers cela que nous devons encourager chacun de tendre.
C’est cela le devoir d’exigence. Bien sûr ce n’est pas compatible avec le commerce, le bizness. Il est certain que demander à tous les sculpteurs de ballons de savoir gonfler à la bouche enlèverait beaucoup de clients aux vendeurs de latex et de DVD. Comme s’il fallait exiger que les magiciens soient un minimum formé avant de se lancer sur scène. Mais on doit pouvoir trouver un juste milieu et si nous y parvenons, le spectacle magique se portera beaucoup mieux et nous aurons rempli notre rôle et c’est l’essentiel.
Pour en savoir plus ou me contacter en vue de formation. Ma page de formateur sur Facebook, mon site internet ou laissez-moi un message ci dessous.
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